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Noyau de nuit

[Un coup de fil “miraculeux” tourne en eau de boudin]

4 Juin 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Pour en finir avec l'amour (1997-2006)

    Qu'est-ce qui se passait là-bas, pendant que je m'enfonçais dans cette auto-flagellation opportuniste, composais et recomposais, désormais sans péril, le numéro du foyer fermé que d'ailleurs elle n'habitait plus? Si je ne refuse pas toute créance à la télépathie, du moins la décrété-je inaccessible à des nombrilistes comme Hélène et moi, et mille contre-exemples ricaneraient en chœur devant une si sotte lecture des faits. Reste que Ganesh, à qui je confiais deux jours plus tôt que j'espérais un appel, m'avait abruptement répondu que je pouvais me brosser; et que le lendemain de ma "révélation", au moment où je me résolvais à écrire [1], après deux à-blanc, j'entendis se dérouler une sirupeuse goualante italienne, dont je ne compris que mio cuore, rimant dûment avec amore; puis : « Je peux parler? Seulement pour dire que [zoom] je t'aime. » – « Non, non, tu ne peux pas… » balbutié-je… On aurait bien dit que si, pourtant, et que j'aurais mieux fait de chercher mes représentations idoines dans la collection Harlequin. 21 :34 : Un immense téléphonage, inespéré au fond : elle m'aime, elle n'a rien fait depuis notre séparation, ni Pologne, ni Espagne, ni Venise, elle a couché avec un mec, un soir, ("Un seul??? – Oui") et rien d'autre ne compte que moi! J'étouffe de bonheur, à me tuer à l'instant, et on papote, et on papote, et toutes mes raisons de la haïr remontent et crèvent à la surface du lac comme des bulles nauséabondes.

     Trop beau pour durer. La veille, j'étais prêt à tous les kow-tow; mais puisqu'elle tenait au rôle de pénitente, je n'allais pas chipoter! Seulement, c'était une culpabilité théorique, très verbeuse sur la nécessité d'un "rattrapage", mais réticente à le matérialiser… si ce n'est en ce "pensum" qu'elle prétendait avoir mis en route. JAMAIS elle n'a fait le plus petit effort pour me rendre mon fric, elle "cherche" en vain comment "se racheter", et quand je suggère un mariage, elle me répond du tac au tac : « C'est pas mon truc... Un mariage blanc, plutôt... avec un mec qui soit vraiment dans la merde »! Je lui raccroche au nez. Elle ne changera pas, bien qu'elle ne fasse que répéter, depuis qu'on se connaît, qu'elle a changé!  Il est certain qu'il ne faut pas la rappeler ce soir; mais aussi que notre liaison est forcie par ce passage au feu.

     Deux "certitudes" plutôt hasardées! La seconde, ça va sans dire; et quant à la première, la sotte avait trouvé moyen de me filer un faux numéro! Impossible de la joindre. Ma foi, tant mieux : ça me tiendra lieu de fermeté... facilitée, peut-être, par un appel… de Julie, qui, loi des séries, m'invitait à bouffer le lendemain – avec sa copine Diane, mais de cette dernière je ne touchai mot à Hélène quand elle me rappela, une douzaine d'heures plus tard : bien au contraire, je m'étendis complaisamment sur ce "coup", que je n'allais m'offrir, à m'entendre, que pour me rapprocher d'elle en imitant ses frasques, et qui me parut ne pas lui être indifférent. Oh, sa voix de putain [2] au téléphone! écrivais-je dès la veille, déjà partagé entre le bonheur et l'animosité. Peut-être d'ailleurs me ment-elle comme je suis désormais décidé à lui mentir, ayant compris les risques de la sincérité?

     Ce n'est pas le tout de mentir, il faut choisir judicieusement sa menterie;  après lui avoir proposé successivement, en guise de "réparations", de s'entremettre auprès des éditeurs et de me faire une fille, l'expiation par la jalousie, sur laquelle je me rabattais, constituait assurément le plus tarte des choix, puisque je n'avais pas les moyens de ma politique, et qu'il lui suffisait d'aller faire un tour pour se revancher dix fois d'une fausse revanche! Quand même, Julie… y a pas, ça l'embêtait : une vraie rivale, sur une bourse dont elle connaissait les cours mieux que moi. De là à l'empêcher de dormir, il y avait loin. La nana est tranquillement allée au cinéma (s'il faut l'en croire), et puis elle a roupillé jusqu'à 9h 1/2. Complètement laissé tomber l'écrit qu'elle préparait. D'une froideur incroyable! Elle ne sait déjà plus si ses résolutions d'avant-hier seront durables! Et tout ce que je trouve à faire, c'est de lui retéléphoner pour lui dire que je n'ai pas baisé Julie! Je ne sais même pas si elle n'aura pas fait de cette affabulation une raison supplémentaire de me jeter! cela du 12, trente-six heures après son initiative! Mais il n'en avait pas fallu vingt pour entendre, le 11, billet pris, qu'elle préférerait que je ne vinsse pas, craignant que notre revoir ne fût piètre, puisque je n'avais encore aucune raison de lui faire confiance... Et naturellement ma rigidité initiale pliait à proportion : le 12, je n'y tenais plus : 16 :20  Et je n'y ai pas tenu : j'ai fait modifier mon billet et décolle dans 24 h. Sur ce, elle m'appelle (pour me dire qu'elle va recommencer à fréquenter les bibliothèques, c'est le moment! et qu'il ne faut pas que je m'étonne si...) : très interdite quand je lui annonce la date de mon arrivée! Elle n'ose encore m'ordonner de rester au large, mais finit par lâcher qu'elle a les boules de s'être emballée pour rien, et que, oui, à ma place, elle trouverait ça très injuste et se traiterait de salope!! Bien sûr, elle a envie de me voir, mais... Bref, il ne manque qu'un coup de fil pour me défendre de venir!  Il y a trois jours [3],  on parlait de garanties,  elle était sûre que c'était "pour toujours", il ne s'agissait que de m'en convaincre; hier, elle craignait un débat en Cour; et aujourd'hui, elle n'est plus certaine de ne s'être pas monté le bourrichon.

    Ma faute? m'interrogeais-je : l'absence m'avait forgé une auréole, et, pour la seconde fois, le retour d'affection s'était écrasé de plein fouet sur un bonhomme vétilleux, agressif et oppressif, sur un intolérable enquiquineur. Amoureux, on n'en pouvait douter, mais de ce fait nuisible. Cette beauté, cette grandeur de l'amour romantique, elle ne pouvait me la conférer qu'à distance : dès que "le vrai" se pointait, "c'est quoi, ce délire?" Et comme elle ne vivait que l'instant, sans souci du bonheur de l'autre, de la parole donnée, et sans vergogne de son insouci, pas à choir des nues que la roche tarpéienne fût si proche de Capitole. J'avais ouï un "Je t'aime" mûri par cinq mois de silence, l'écho de celui que j'eusse soufflé moi-même à mon corps défendant, j'étais excusable d'avoir cru nos cœurs au diapason, et essayé d'avancer. Bien entendu, je déplorais mes erreurs, sans bien les cerner : j'avais présenté la facture, mais ne s'était-elle pas annoncée coupable et contrite? Ne m'aurait-elle pas méprisé de passer l'éponge, barbon prêt à tout endurer? M'étais-je trompé de morale? N'avais-je pas pris pour repentance à mon endroit un peccavi focalisé sur sa propre déchéance [4]?  Le bidonnage-Julie m'avait-il été favorable ou nocif? La veille, elle serait bien allée se faire tatouer "Pierre" sur la fesse gauche, mais Julie et les dames des annonces ont audiblement dégonflé sa culpabilité! Elle n'était pas loin, en queue de bigo, de renvoyer dos à dos sa recherche du plaisir à l'aventure après m'avoir enterré, et mes efforts pour m'en sortir alors qu'il n'y avait pas de solution, que l'amour était évidemment mort! Du moment, n'est-ce pas, qu'on avait échoué tous deux... J'ai peur que la vilaine ne poigne aussi bien poignée qu'ointe! et n'aurais pas été surpris que celle qui, le 10, rompait d'un "Je t'aime" cinq mois de silence eût noué une liaison le 11 au soir, baptisée "bibliothèques" le 12.

 

 

[1] De plus en plus tenté  d'envoyer à  Hélène une courte carte dans le genre  :  « Sans  prétendre peser miette sur ta liberté reconquise, juste quelques lignes pour te dire que j'ai enfin capté "le regard de la fleur"; j'y ai mis le temps, mais c'est que le tort subi et notre petite histoire me contraignaient à condescendre; en orientant mieux mes yeux, j'ai compris quel ver avait pu t'apparaître, et du même coup, que la blessure ne se refermerait pas. Mais elle a un sens tout différent pour l'homme qui est né de ces 6 mois de spasmes, dont je te remercierais presque sans ironie. Si en juin 95 tu "nous" voyais aussi comme échappant à la contingence, fais-moi signe. Sinon ou d'ici là, ne te laisse pas aller, et ne doute pas de toi : tous les efforts que j'ai faits pour te mépriser ont été vains. »

 

[2] Je n'avais jamais aimé sa voix, qui semblait fardée à la truelle et avoir traîné dans tous les bouges.

 

[3] Sic, mais faux : même pas deux!

 

[4] "C'est tout ce qu'il y a de bien dans ma vie"… Dès le 10 au soir, je notais : Hélas elle n'est pas du tout à la hauteur où je la plaçais si opportunément hier. RIEN n'est propre en elle, j'avais raison : me lâcher, ç'a été se donner licence de dévaler la pente. Mais même cet aveu-là, sa sincérité m'était suspecte : Elle est seule, elle n'a rien à faire, pas un rond sans doute pour partir. Qu'elle ait sans moi dégringolé, je ne saurais lui en vouloir; mais qu'elle invente ce défaitisme pour me soutirer un peu de diversité et de divertissement...

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