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Noyau de nuit

[Torrent de boue autothérapeutique]

8 Juin 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Pour en finir avec l'amour (1997-2006)

    Mais mon journal ne me suffisait plus, j'avais besoin, à tout hasard, de supposer acquis qu'elle ne viendrait pas, et de loger l'improbable appel dans les brumes d'un futur lointain et d'une littérature de bas étage : c'est avec une stupeur amusée que je retrouve, "modifié le 18 septembre 1994", et probablement commencé la veille ou le jour même (un dimanche) le soliloque qui suit, enlisé jusqu'aux yeux dans la plus sordide culpabilisation, et en résumant sans doute bien d'autres, qui se sont contentés de frapper l'air :

 

     "Tiens! Y avait longtemps! Qu'est-ce qui se passe? T'as besoin de thune? Tu viens de te faire larguer? L'avant-dernier de la liste a fait faux-bond? […] Oh, si, des choses merveilleuses, mais tu sais, l'imagination, je m'en méfie, elle m'a déjà joué des tours… avec ton aide, d'ailleurs… ton aide intéressée […] Ça, je ne sais pas si c'est à toi que j'ai envie d'en faire confidence, si tant est que je voie clair en moi-même… C'est une question difficile, qui demande des fouilles, alors disons : Pas mal et toi? Mais ne prends pas "et toi?" au pied de la lettre, je m'en contrefous, de ta santé, de tes idées fausses et de tes vraies galipettes… […] Ma foi, rien de changé, le terrain est net, en surface du moins : tu es la plus ignoble vermine que j'aie jamais rencontrée […] Mais oui, j'y stagne, et m'est avis que je ne suis pas près d'en décoller; la formule est du reste trop faible pour rendre compte de la réalité, vu que je n'ai pas connu grand-monde : en fait tu es l'être le plus abject dont j'aie entendu parler […] Sans portée, ça, sûrement, mais excessif… Les Tamerlan, les Pasqua, les vampires de Düsseldorf ont fait plus de dégâts, j'en conviens, mais ils ne tapent pas de préférence sur leurs proches, sur ceux qui leur font confiance : pour ce qui est de la lâcheté, tu les dépasses de cent coudées, toi qui trompes ceux qui te croient sur parole, qui voles ce qu'on laisse traîner, qui tuerais […] Mais précisément! Ça couronne le tout! Tu n'as même pas le courage du mot! […] Et mes dollars, hein, espèce de charogne? Les dollars du vieux con, que tu te vantais de claquer avec tes minous, auprès de filles qui n'étaient même pas des amies? Tu crois qu'en quatre ans et quelque les langues ne se sont pas déliées? Si tu croyais te dédouaner d'une liaison déshonorante en me traînant dans le pipi, laisse-moi te dire que c'est raté! et qu'au contraire tu as dit tout ce qu'il fallait pour passer pour la putain que tu es! […]  Oh, très peu, très peu, crois-moi, il n'y avait pas de quoi se vanter! Tout au plus ai-je pu en toucher mot à Dédé, en état d'ivresse, et à Nelly, une fois qu'elle te citait pour observer ma réaction. Mais tu peux être sûre que je ne leur ai rien révélé, qu'ils étaient convaincus d'avance! Du reste, ta réputation était acquise avant nous, si nous présente un sens : nul n'ignorait que tu ne sortais qu'avec des mecs à bagnoles, des mecs pleins de fric, acquis-tu-t'en-foutais-comment, et en fin de compte les michés, les vieux singes, c'était la suite logique […] Ne s'agit pas! Moi aussi, je suis un Mario-couche-toi-là, dans la mesure de l'impossible, remarque, et ça fait déjà une différence : une fille nouvelle, elle m'apporte d'abord des preuves que je ne suis pas repoussant, alors qu'en ce qui te concerne, tu le sais fort bien, que tous les manants qui passent ont envie de te sauter! C'est pas un manque existentiel que tu combles, t'HOOQ, c'est tout, non, c'est pas tout, ce que je te reproche, non, je te reproche rien, ce que je te signale, non, parce que tu le sais déjà, ce que je te rappelle que je sais, c'est que tu te fais payer pour t'envoyer en l'air, et que la définition technique de la pro  […] Ah oui? Eh bien, écoute, j'ai fait le calcul, approximatif, vu que je ne tenais pas les comptes, mais en gros, si je divise mes débours par le nombre de coups qu'on a tirés, j'arrive à mille francs pièce, ça fait chérot, d'autant que comme professionnelle on fait mieux! Comme tu ne penses qu'à toi, une fois que t'as fait pipi au lit, la messe est dite! J'espère que les suivants auront formulé des réclamations, parce que je t'avais donné de mauvaises habitudes! Il est vrai que c'était entre autres, et que Dany, ou Pascal, ou ce gros porc de Zobo, qui se te farcissaient à peine la porte fermée, pouvaient rééquilibrer ta formation […] Mais tu me prends pour une poire blette, pourrie, ou confite? Pendant un an, j'avais décidé de ne croire que toi, faut pas te figurer que j'avais pour autant perdu la tête, que tes excuses bizarres, les contradictions de ton emploi du temps m'échappaient! Tu ne t'imagines pas, peut-être, que quand ça sonne dans le vide à sept heures, et que tu me racontes après que t'es allée respirer l'air frais de l'aube, ça passe sans verre d'eau? Ou quand tu arraches la fiche au lieu de répondre au téléphone et que tu balbuties que c'est si peu important? Ou quand tu viens m'attendre toute la nuit à l'aéroport! Toi!! L'égoïsme incarné! Mais je l'ai toujours su, que c'était pour éviter des visites compromettantes! Seulement je voulais pas le savoir, ce plan restait derrière, je me disais que tu n'avais qu'à me jeter, j'avais pas compris que passer la sébile de tous les côtés, ça multipliait les économies […] Oui, c'est un peu trop simple, y en avait aussi des pour le plaisir, tu n'avais même pas ce courage élémentaire de te voir comme la pute que tu es! Crois bien que je garde mon estime pour celles qui font le trottoir! Au moins, elles n'ont pas peur des mots! De la vérité! Du regard du voisin! Je crois que ce qui me répugne le plus chez toi, c'est cette lâcheté, ce calcul… Tu ne jettes rien ni personne, on ne sait jamais, ils peuvent servir un jour! Qu'est-ce que tu as pu m'empoudrer l'œil, avec ta prétendue démesure, ta suprême séduction, parce que tu n'es pas si belle qu'on te le dit sans doute… Avec toi, j'avais l'impression de décoller, et moi, de fait, je décollais, tout seul, mais l'amerdissage fut rude! Tu n'as jamais pris le moindre risque! Mes parents se doutent, mes parents vont apprendre… Et moi, bonne pomme… Alors que ces deux barbeaux savaient, depuis le début, et qu'ils étaient trop heureux d'économiser sur tes frais d'entretien […] À d'autres! Ils savaient, et tu savais qu'ils savaient, même si, naturellement, vous étiez trop faux-culs, trop corrects, pour en parler ensemble… La nausée que me flanque cette racaille de bon ton, cette merde dans un bas de soie, je préfère ne pas l'évoquer, je gerberais sur le combiné! Des bourges de luxe qui donnaient royalement cinq cents francs à leur fille pour quinze jours de vacances! Qui gobaient n'importe quel bobard! Quand je pense aux sueurs froides que j'ai eues quand tu as semé tes papiers à Venise! Je me voyais déjà en correctionnelle! Mais non! C'est le voleur qui s'était offert un petit voyage! Ben voyons! À d'autres! À un autre! À un qui n'est plus […] Mais tu ne te rends donc pas compte que tu as perdu tout droit d'affirmer ou de nier, que ta parole vaut zéro, qu'elle n'a jamais pesé que l'envie que j'avais d'y croire? Parce que, tu sais, t'es pas plus douée comme menteuse que comme courtisane! Pour te percer à jour, il suffisait de ne pas t'aimer! Ou d'un minimum d'expérience… ou d'une dose de vulgarité : il suffisait d'être comme tout le monde pour voir que tu étais comme tout le monde, avec juste une hypertrophie de la cupidité, une éléphantiasis de l'égoïsme, et une ablation du cœur! Une petite merde d'enfant gâtée, qui mimait les grands sentiments qu'elle avait vus à la télé! Et comme moi, je ne mimais pas… Il aurait fallu que je barbotasse aussi bas que toi pour te démasquer! D'ailleurs, pas un mec à femmes ne s'y est trompé, tu filais doux avec eux, vous étiez entre vous… Quel con, quel con j'ai été! […] Eh oui, seulement quand on comprend qu'on vivait dans l'illusion, qu'on se faisait entuber, même le bonheur tourne au dégueulis, on a honte… En toute logique, je devrais te remercier, j'ai eu le meilleur, toi qui ne ressentais rien, t'as pas dû rigoler tous les jours pour assurer ton argent de poche […] Presque rien, je te l'accorde, je suis un gagne-petit, un rat, tu ne m'as pas ruiné, je ne t'ai pas couverte de diams et de fanfreluches, j'espère que d'autres ont suppléé, tu m'as quand même tiré ta révérence juste après l'ordinateur, ouais, l'Ordinateur, prétendument pour te faciliter le travail du style, tu l'as peut-être revendu trop vite  [1] pour t'en souvenir? […] Tant mieux, tant mieux, et juste pour dire à quel point on peut être idiot, pendant des mois j'ai attendu un remboursement! […] Mais certes! Mais bien entendu! C'était un cadeau! N'importe comment je ne vais pas te traîner en justice, mais t'auras beau dire, c'était le test, quelqu'un de propre m'aurait rendu ce pognon, tu te souviens pas de tes lettres à chaque billet d'avion? Faudra qu'on fasse un deal… Je les ai toujours! Soi-disant que ça te mettait à la torture de m'exploiter! […] Mais oui, mais oui, une grinde dame, quoi! Tout ce que je connais de ton désintéressement, c'est ton ingratitude! C'est super-noble de prendre, de prendre toujours, et de ne jamais rien devoir! De ne pas compter ce qu'on te donne, et de mépriser ceux qui tiennent les comptes! […] Possible, je ne suis pas Saint Brelan, possible que je me sois imaginé te mettre le grappin dessus! Un fil à la patte! J'étais bien assez crétin pour ça! Pour tabler sur la reconnaissance! Alors que tu m'aurais plutôt estourbi pour te délivrer de ce fardeau!  À cet égard, tu auras fait mon éducation, je t'en remercie : j'étais peu donnant déjà, je le suis moins! […] Eh oui. Ce qui m'embête, c'est qu'à présent les salopes je les fabrique à force de méfiance. T'as tué tout ce qu'il y avait de beau, je ne peux plus croire à rien de ce qu'on me dit. […] Mais c'est pas ça! Changeante, volage, je m'y étais fait, on ne pouvait pas te prévoir à un quart d'heure de distance, ça faisait partie… que dis-je? C'était tout ton charme peut-être, et au fond ça me paraissait plus vrai que cette espèce de stabilité des mecs, qui s'arc-boutent sur un caractère, qui s'acharnent à rester toujours tels qu'ils croient s'être cernés… Je te plais, je te plais plus, tu me tires du placard, tu m'y refourres, j'ai mon mot à dire, l'objet se rebelle, et puis quand tu ne sais pas au juste ce que tu ressens, ce que tu désires, ce ne serait pas une exigence superlative que le plaisir, que le bonheur de l'autre, pèse quelques milligrammes dans la balance… […] Oui, celui d'autres, merci! De gens qui ont su se faire respecter! Qui t'ont flanqué des torgnoles, j'espère… […] Tant pis! Ça viendra! T'es encore jeune! Même un crime passionnel n'est pas à écarter! […] Risque pas! Tu n'en vaux pas la peine, j'entends le châtiment. D'ailleurs, même si je pouvais te descendre sans effort et sans risque, je ne le ferais pas… Mais tout le monde n'a pas ma patience, et certains peuvent en avoir marre de se faire mener en bateau. Après tout, tu te sers de tes armes, ça ne me choquerait pas qu'un mec se serve des siennes pour t'amocher un peu. Il ne peut pas t'atteindre le cœur, n'est-ce pas? […] Tant mieux! Tant mieux pour eux! Je les emmerde! Je les vois d'ici! Belles gueules, bien bronzés, bien dorés de partout, oh, chère, la vie est sensasse avec Lui! Traduction : tout ce qu'on peut faire, avec Son Fric! […] Je m'en fous! Je-les-em-merde, je te dis! La jalousie, c'est pas ma tasse! Tu aspires à descendre? Mais je vous en prie! Faites donc! […] J'ai pas dit ça! Des gens mieux que moi, le monde en est plein! À craquer! Moi j'ai même pas réussi à me suicider! Alors! Mais c'est de ton goût que je doute! T'aimes que la frime! Le tape-à-l'œil! l'avalisé d'avance! le déjà-écrit! […] c'est vrai que rétrospectivement on se demande si y avait pas des moments… Ça soulage de chier sur tout uniformément, d'en rajouter à tout hasard, puisque de toute façon on ne saura jamais… On ne saura jamais! Chacune de tes phrases est l'énoncé d'un mensonge! Même la vérité serait pourrie, si on pouvait la distinguer, de n'être qu'un moyen! D'ailleurs, tu me l'as dit lors de notre dernière rencontre : je t'ai menti tout le temps – et tu me mentais plus que jamais! Sauf sur ce point! Ça ne s'annule pas… C'est pas l'histoire d'Épami […] Oh, ça, c'est assez clair : tu veux voir si par hasard je pourrais encore faire de l'usage, s'il ne reste pas quelques gouttes à presser dans le citron! À condition surtout que je ne dérange pas… tu serais bien empoisonnée d'entendre; chiche! Attends-moi! Je prends le train! L’avion! C'est déjà arrivé une fois… D'ailleurs, avec toi, faut pas craindre les répétitions… C'est l'éternel retour! Rien ne te corrige! La saloperie de la veille, c'est celle du lendemain… Pourquoi changer une équipe qui gagne? Ça me torture parfois, l'idée d'avoir pu t'apprendre non pas à combattre, mais à masquer ta vilaine âme pour les suivants… Mais je te fais confiance : le premier mouvement sera toujours infect, et dans vingt ans, quand tu ne feras plus bander, tu seras bonne pour la décharge… […] Eh bien, pour tout t'avouer, non, pas vraiment, c'est bien le déchirant de l'affaire, même si on touchait au but, si tu étais défigurée, infirme, si on t'avait inoculé le sida, malgré ta prudence, je ne crois pas que je pavoiserais, d'abord parce que ce ne serait pas ma vengeance, et encore moins si un daim quelconque pouvait t'en faire baver comme j'en ai bavé… Je le ressentirais plutôt comme aggravant… Que tu m'aies roulé comme tous les autres, c'est déjà assez insupportable, mais qu'un autre te roule comme tu m'as roulé… […] Enchanté de l'apprendre! Et à part ça, tout va comme tu veux?…"

 

 

[1] Il y a quand même une part d’intuition pertinente dans ce magma.

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