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Noyau de nuit

[Lettre pathétique]

26 Mai 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Pour en finir avec l'amour (1997-2006)

    Mais va te faire foutre, Pépère! Or, loin de là :

     Je ne vis plus, du moins pas vraiment : j'évolue dans un univers absurde sans ordre ni sens. Je t'ai envoyé ce matin un télégramme : si tu vas au lycée tu devrais le recevoir demain, et m'envoyer un signe. Mais tout cela ne tient pas debout, cela ne te ressemble pas de ne pas te préoccuper des angoisses que je pourrais avoir à moins que tu ne sois convaincu que je ne t'apellerai pas... Je me dis que l'ignorance est pire que tout mais je n'en suis pas sure, il subsiste au moins un espoir, je peux garder le sentiment, en t'écrivant ces lignes que c'est bien à toi que je m'adresse... mais je n'en peux plus, je suis une loque, en plein cauchemar...

     […] J'ai la nausée, la nausée de moi, de toi, de nous, de la vie. Cette lettre de toi que j'espérais tous les jours m'a donné une baffe : prise par la lâcheté puis aveuglée par cette peur de te perdre, je ne l'avais pas établi, ce bilan de nos vacances.

     La première lecture a été dure : ces larmes, qui me viennent si facilement ont jailli, comme si je prenais soudain conscience de l'absence de complicité qu'il y a entre nous. Les 2 lettres que je t'ai écrites, cette affection, ce plaisir de me sentir avec toi alors que je les rédigeais, tout cela était-il complètement superficiel, me suis-je caché la vérité? Non ta lettre n'est pas une lettre de rupture, pas formellement mais j'ai peine à croire qu'elle ne soit pas recherche de rupture. Des images, soudain me sont revenues : nos seuls instants de bonheur sans feinte, sans failles : l'amour et des questions : ces gestes qui avant toi n'avaient eu aucun sens, ces caresses qui me semblaient confidences, amour ont-elles vraiment une valeur? Le rapprochement est-il réel ou purement individuel, subjectif? Pourquoi tout se brise-t-il après? Tu vois, je pleure encore : tout cela me semble tellement laid, tes lignes tellement véhémentes, violentes. Je m'apitoie sur moi, sur nous...

     Mais soyons constructifs, et surtout objectifs; il faut avoir le courage de baisser la main, de reprendre la feuille et relire.

     A tête reposée, je suis moins Marot [1], nos vacances, il demeure, ont été en dessous de ce qu'elles auraient du être, mais l'impossibilité de dresser un constat définitif m'empêche de penser qu'il ne sera pas possible d'atteindre cette exigence, il faudra voir, revoir, pas les exigences, mais quoi donc? Car nous n'avons aucune raison de vivre en vieux couple exaspérés par les manies l'un de l'autre. Note bien au reste qu'il n'y a chez toi ni trait ni tare qui ne m'exaspère : peut-être est-ce là d'ailleurs un écart dans nos exigences respectives, bien que tes réactions à tous mes défauts me dérangent : je suis par trop enfant et plutôt que de se dresser main dans la main devant les problèmes (qu'une vague velléité de psychanalyse avait peut-être tenté de restituer, mais ça ne t'intéresse plus maintenant, tu les explique au premier degré : je m'en fous, je pense que tout m'est dû...) nous sommes face à face et c'est là qu'il y a absence de complicité réelle. Tu ne supportes pas de me montrer tes faiblesses alors que je ne demande pas mieux que de t'aider : je n'attache aucune importance au fait que cela t'exaspère de faire la queue, si je peux la faire moi-même, mais tu ne l'acceptes pas. Et tu montres la même impitoyabilité face à mes tares : peut-être estimes tu avoir assez fait preuve de laxisme et estimes tu que de toute façon, il est trop tard : je dois d'ailleurs reconnaître que la méthode de la douche froide porte ses fruits, que plutôt que d'être consolée, qu'on me renvoie ma nullité à la gueule est beaucoup plus efficace. Cependant, j'ai par trop le sentiment d'être à la base de toutes nos discordes.

     A propos des problèmes de sous et de kados, c'est à toi, je pense, qu'il faut donner raison. Non pas sur le fait que j'estimerais que "tout m'est dû en échange du cadeau que je te fais en existant", mais que, sans doute, je ne sais pas dire merci... ce qui renverrait au chapitre de mes innombrables indélicatesses, auxquelles j'accorde plus d'importance que tu ne pourrais croire, surtout depuis qu'il m'est donné de le sentir continuellement (avec Aîsha qui pue de "tout m'est dû", ne rend pas un sourire pour un service qui "me coûte", ni un merci... Cela m'exaspère d'autant plus qu'il me suffirait de lui dire qu'elle pue...) Mais peut-on s'excuser en disant "je ne sais pas dire merci", puisqu'il n'y a qu'à faire un effort. Là, tu vas me sortir le coup du spontané mais objection : il est toujours embarrassant de recevoir un cadeau, et même quand il fait plaisir (peut-être même plus d'ailleurs) il est difficile d'avoir, naturellement, les mots justes pour remercier. Nous en parlions d'ailleurs et tu évoquais ta mère et ces 50 mercis qui te semblaient sonner faux. Mais s'il demeure que je sais maintenant comment dire merci à ma mère, je ne sais pas avec toi, non que je veuille ne pas tomber dans une comédie, mais j'aurais peur, sans-doute, de te sembler vénale en te sautant au coup pour te remercier d'un gift qui m'a fait plaisir.

     Pour ce qui est de la qualité de nos échanges, au plus bas, c'est encore moi qu'il faut ériger en coupable, je crois. Je pars défaitiste et ne fais pas l'effort, je me regarde, m'écoute penser tant et si bien que je ne pense plus. Tout cela fait partie d'un grand programme de laisser-aller, que j'alimente et justifie de "je suis bête" d'autant plus idiots que je n'en crois pas un mot et que, quand bien-même, "on est exactement aussi intelligents qu'on veut". Ce jugement, je dois avouer tt de même que les notes que je me paie me portent à y croire un tant soit peu, d'autant que je ne te crois pas complètement indifférent à ma réussite scolaire (en travaillant et ne rendant pas copie blanche [2]).

     Le constat, je crois qu'il est celui que je fais tous les jours, à savoir que je suis médiocre : crois bien, là, que je le pense. Que j'arrive à lutter avec ma volonté, cela y remédiera-t-il? Je t'avoue que je n'en sais rien, si au moins être deux m'aidait, t'aidait... je crois que c'est plutôt ça qui se barre en sucette ou plutôt qui n'a pas les moyens – car pas le temps – de se construire. Et voilà la valse des regrets qui commence, et celle de la culpabilisation qui recommence, car c'est – MA FAUTE. Mais ne peux-tu PARDONNER au nom de la différence qui existe, qui est réelle et importante, entre ce que signifie s'engager à 25 ans de distance? Et comprendre que je regrette et m'en veux?

     J'ai mal et je suis malheureuse. Rien n'est plus facile, je sais, mais si la transcendance n'existe pas, si la confiance n'existe pas, si les barrières naturelles sont réelles, si Toi je te déçois, que reste-t-il, à quoi bon?

     Je tente de lutter contre la facilité, mais peut-être bien qu'effectivement je suis dans l'attente d'être délaissée, d'être laissée "comme les autres", de recevoir un jour la lettre me crachant ce que je suis. Bête et facile.

    …"Je me meurs" vraiment, et tout ressurgit : le vide, le gris, l'incohérence de ma vie sans toi. Je ne suis pas allée à la manif nationale pour l'école publique, je suis sans carotte. J'ai du t'appeler une dizaine de fois, RIEN... Je crois que je vais arrêter jusqu'à ce soir : ces aller-retour incessants ne font rien que m'énerver encore, de même que l'écho de la sonnerie grossit chaque fois la boule que j'ai dans l'estomac. Qu'est-ce que je voudrais qu'il ne s'agisse de rien d'autre que d'une panne...

 

 

[1] ?? Sans doute prenait-elle Marot pour un lyrique larmoyant?

 

[2] En philo, au plus récent contrôle trimestriel, et sans raison. J'avais rugi, évidemment…

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