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Noyau de nuit

[Déjà la satiété?]

5 Mai 2016 , Rédigé par Narcipat Publié dans #Pour en finir avec l'amour (1997-2006)

12 janvier  Le golpe du jour : elle laisse à l’abandon sur sa table une carte à moi destinée.

    En fait, le vrai golpe du jour, c’est que les parents ne partent plus; cela “sans rapport avec” – naturellement! On la dirait prête à tout pour qu’ils apprennent ce qu’ils font tout pour ignorer... Et en moi aussi, il y a une part, pas nécessairement la plus immonde, qui souhaiterait que tous sussent; il me semble d’ailleurs qu’on renifle, qu’on se doute...

    C’est drôle : je crois qu’elle a raison, quand elle me dit qu’au bout d’une semaine, je serai repris par le boulot. Elle a grand’peur de m’excéder, et ma foi, cela pourrait venir un jour! Elle passe tous les soirs : c’est trop, comment bosser? Elle peut se permettre, elle, de veiller jusqu’au matin : elle dormira en cours. Mais moi, il me faut un minimum de tonus pour réveiller les dormeurs! Comment faire? Et dès qu’elle marquera le moindre refroidissement, je ne pourrai plus la quitter d’une semelle!

    De S*** [1]  prie les B.  de lui  donner à  souper  ce soir.  Le serpent  le plus  venimeux des Mascareignes, mais que saurait-il? Déjà? Le micro-C*** : on vous a vu à Paris le 3, sortant du métro! Le 3?? Le Jour Jeanne! Aurais-je le pot d’avoir été repéré le seul jour, aux seules heures, où j’étais seul?? Censé me trouver, de toute façon, à la Réunion : qui recouperait l’information me démasquerait aussi sec, et je ne vois d’issue que par le bas. Cette vipère cornue de De S*** devrait m’inquiéter, même s’il déplace son suif dans un autre objectif : car ils évoqueront cette virée réunionnaise, et lui recoupera après. Sophie M. m’a vu dans l’avion, et rien n’est assez dérisoire ici pour échapper au domaine public; on peut simplement espérer que ce soit trop banal pour rester longtemps d’actualité.

13 janvier  Visite d’Hélène à 8h – 1/4 (sa mère l’attend au bout du chemin), elle ne peut plus bosser, dévorée d’angoisse : c’est trop, pourquoi? Et ça m’emmerde qu’elle ne puisse préparer son devoir. Comment séjourner 14 mois sur ces hauteurs? Elle est au point où il me la faudrait pour l’emmener à la mairie. Prématuré. Du mal à bosser moi-même, mais pas tant : sa tension me détend, évidemment, quoique je n’en dise rien. Quelle connerie va-t-elle faire? Venir passer la nuit? Est-ce que ça va devenir ennuyeux?

14 janvier  Elle rapplique chercher le LagMich du XVIIIème... et l’oublie! Est-elle donc partie avec rien, ou un autre? Ça m’étonne. Elle ne tourne pas rond. Mais ne pas oublier ce qu’elle me disait en septembre : “Les mecs, on y pense trop”... Je suis seulement le mec du moment. C’est déjà épastrouillant, remarque.

    Je voudrais qu’elle pense à moi, et reste néanmoins la meilleure en classe : quadrature? Il est évident que boulonner, se concentrer sur autre chose, c’est penser moins à moi : puis-je sincèrement le souhaiter? Le bout de mon latin, en sa présence, c’est d’affecter toujours de me prosterner davantage. Mais sans angoisse (les deux premières heures, sachant que sa lettre + De S***, et ne l’apercevant pas) adieu l’obsession. Et puis remâcher l’angoisse et l’obsession nous mènerait au gâtisme, elle le sent bien ainsi aussi, et ce n’est pas miracle! Quand je lui propose : ne nous voyons pas une semaine, je me sens doublement délivré : j’évite de déchoir en me répétant, et je préserve mon temps – du temps pour me renouveler. Mon bobo à moi, à ce moment précis, ne tient qu’en ceci : c’est l’heure exacte de battre le fer, de refermer sur elle la porte du cachot, et je ne le pourrai légalement que dans 14 mois! Que restera-t-il d’une telle passion, trop excessive pour ne pas se consumer vite? J’en suis gêné : qu’est-ce qu’elle peut bien me trouver? Mais moi, qu’est-ce que je lui trouve? Qu’est-ce qu’on se trouve ensemble? Les deux énigmes ne s’annulent pas.

    Mais rien n’est simple : elle m’en veut de l’obséder : elle semble avoir bâti un plan de philo tant bien que mal, mais me traiterait presque en ennemi, de lui avoir rendu le travail si difficile. Je vais lui écrire, mais tout de même pas la repousser deux mois... Que faire? Je voudrais tant, pourtant, qu’elle eût en plus les meilleures notes... […]

15 janvier  Toujours la douche écossaise... Je fais mine de m’attendrir, pourquoi, “fais mine”? Je m’attendris pour de bon, et au moment où elle a dépassé un état d’obsession passager... où elle me fait grief, sans doute, de le lui avoir inspiré, et d’avoir montré si peu de répondant. Coïncidence, K***[2]  et D*** sont là,  et “demain au Saxo”  ne paraît pas absurde du tout! Du reste, K. pourrait bien l’aider à rentabiliser la pilule, en un sens mon insuffisance [3] y ouvre droit... Ne pas insister là-dessus, elle prend pour parole d’Évangile tout ce que j’en raconte. “Dans dix jours, je ne sais pas ce que je ferai” : elle prétend que je la plaigne d’être victime de sa propre inconstance! Il est temps de m’y mettre aussi, aux caprices! Vrais ou faux… Et quels, sinon celui de rompre préventivement? Ça tuerait l’appréhension, et me priverait de quoi? Certes, j’adore baiser avec elle, mais n’a-t-on pas tout fait? Sur le plan de la connaissance s’ouvre une phase de stagnation, de dégradation. Elle est trop sollicitée pour ne pas diversifier, je le suis trop peu pour supporter qu’elle diversifie. Au number one, je romprai; mais comme elle le sait, ce sera déjà une rupture dans sa tête; alors, ne serait-il pas lâche, certes, mais courageux aussi, de “casser” tout de suite? Peut-être préserverait-ce l’avenir lointain, et que m’importe au fond l’intervalle? À mille pics de distance, c’est comme avec Sylviane, je suis content quand elle s’en va! Sa présence est un risque, l’ennui génère l’anxiété, parce que je l’imagine partagé.

     Elle refuse opiniâtrement, 1/2 h durant, de sortir avec son cousin, et me cite ça presque comme un trait d’héroïsme. Quand on refuse vraiment, une fois suffit! Elle est si demandée, évidemment, qu’il doit lui arriver de dire non, et même souvent... Ah, rien ne peut me satisfaire! Condamné à l’angoisse jusqu’à ce que, l’ayant domestiquée, vienne l’ennui.

17 janvier  Notre histoire s’éternise, le significatif se noie dans la durée. Hier, mon ciné sur le thème : “tu me tromperas, il faudra que tu fasses tes expériences, et mieux vaudrait peut-être se séparer tout de suite” connaît un succès inescompté, puisqu’elle est sur le point de mettre les bouts avec un “prends tes responsabilités” où perce du définitif. Je la retiens, et la conversation s’engage fâcheusement sur “mes maîtresses”... Je comprends qu’il lui déplaise d’être un n°, et c’est vrai qu’avec Chantal (et Joëlle...) j’ai déjà été caressé par l’aile de l’inexplicable. À une telle distance, il est vain de comparer les intensités, mais si je ne savais comment ladite jeune fille s’est rombiérisée par la suite, je devrais avouer que “Chantal à Nice” balance “Hélène à Venise”... Maîtresse-gaffe, d’avouer que j’en ai entendu d’autres (une!) me dire qu’après moi le beauf moyen devenait insipide. Elle se raidit et semble décidée à ne plus penser cela, puisque toutes... Et pourtant je ne crois pas que ce soit en soi errer de lui parler des autres, quitte à les inventer, à condition d’insister sur sa spécificité, l’exception qu’elle constitue... On se quitte à 7h 20, elle revenant censément de la piscine, avec tout sec! Elle me propose de passer la prendre à 11h 1/4, en vue d’une nuit clandestine. Plein de réticences secrètes, je vais poireauter là-bas de 11h 10 à 11h 30, en vain : le réveil n’a pas sonné! Et elle se pointe à 4h, contrite, attendant la scène, moyen assez sûr de l’éviter. C’est bon de baiser à la place, mais bon, toujours moins! Et re ce soir, sur mon insistance... La lassitude menace.

19 janvier  Mon premier cyclone arrive – pas très costaud, semble-t-il. […] Pas vu Hélène depuis 36 h : ça s’imposait, j’avais un boulot dingue. Je supporte fort bien son absence, mais 36 h, c’est “son absence” à présent! Son père est violemment et grossièrement attaqué par un canard local, marionnette d’un complot “maraze” (brahmane) contre un Dravidien de caste inférieure, d’ailleurs totalement francisé et coupé de ses racines. On assimile en couverture ses recherches scientifiques à un “big bluff”, et non sans raisons qu’on dirait valables : il ferait joujou avec sa calculette sans se préoccuper que les statistiques à deux décimales qui en sortent soient significatives; en tout cas, ce benêt ne répond rien aux objections, arguant du respect d’une “déontologie professionnelle” que ses adversaires, médecins eux-mêmes, lui ont donné droit, par leurs attaques, de négliger! Il geint, selon Vinesh, qu’il est d’origine modeste, a sué des litres pour en arriver là, et qu’on le jalouse parce qu’il est “overqualified” pour sa minable île! Le con! Ces choses-là, il faut les laisser dire aux autres, et se taire, même s’ils n’en prennent pas l’initiative. Mais sans doute son centre de recherches pompe-t-il l’argent de l’État sans jamais rien découvrir, et n’est-il guère désireux de voir creuser ce sujet. Probable d’ailleurs que ses agresseurs sont aussi nuls et aussi faisandés : ils veulent sa place, c’est tout. J’aimerais lui donner quelques conseils, bien que je ne me sente pas “dans son camp” du fait d’aimer sa fille! Un beau salaud de profiteur, qui a longtemps palpé six briques par mois d’un labo suisse, en tant que cerveau à trouvailles... Six briques! Jamais je ne pourrai en donner tant à Hélène, c’est ce qui m’irrite le plus, elle a baigné dans le fric depuis sa neuvième année, et à son insu elle aime ça, dépenser lui paraît grand, et bas de regarder les étiquettes. Enfin, il est certain qu’elle doit être inconditionnellement aux côtés du papa en ce moment... mais non pas balancer sa vie, décider de son emploi futur, en fonction des besoins paternels. Difficile de rompre le cordon ombilical dans ces conditions? Au contraire, c’est l’occasion rêvée de préciser les nuances : toute avec toi dans la conjoncture; mais ma vie, c’est ma vie! Bosser sans goût dans la communication pour venir au secours et rester au service d’un daron vieillissant, pur esclavage. Je crains hélas que ma sortie sur la solidarité + le cyclone ne me vaillent de ne plus la voir d’ici un bon moment...

     Qu’est-elle à présent? Comment concilié-je l’espiègle angelot et les grosses cuisses douces et tendres que je caresse une heure durant? Je n’ai rien connu d’elle de plus voluptueux que cet abandon, sinon son visage extatique et paumé quand elle jouit – que nous jouissons ensemble, bien souvent! L’intensité de ses orgasmes me comble et m’inquiète pour l’avenir : elle est très large, il lui faudra de grosses queues, pas un sous-dimensionné [4]  qui la pénètre même flasque! Je la vois si bien pute... et elle de même [5] , en ajoutant “de luxe”. N’est-elle plus que la “dernière occase”, une autre ferait-elle l’affaire? Problème difficile, c’est la plus jolie, et l’on peut causer : il n’y a pas de rechange. Soit, le monde et le lycée même regorgent de plus beaux seins, de plus belles jambes, mais c’est vrai que s’ils m’étaient offerts ils s’affadiraient vite.

     En ce moment, elle m’appartient corps et âme, au point, je crois, d’être incapable de “se venger” si je la trompais. Mais ça n’aura qu’un temps, et il faut qu’elle en essaie d’autres. Je ne puis rien trouver dans l’actualité qui justifie mon angoisse, mais je pense constamment à tout ce que je perdrai – en ajoutant sotto voce  que j’espère que de personne elle ne sera si proche, et reprendre valeur de toutes les brutes qu’elle rencontrera dans les années à venir – mais il faut rompre avant, ou c’en sera fini, orgueil oblige, à la première. […]  Hélène à 5 h : alerte 2 de nouveau, Colina [6]  est passé; un peu déstabilisé, je m’installais... J’aurais sans doute dû faire montre d’un peu plus d’exaltation à la revoir. On s’embarque sur une vague scène de dépit, elle me voyant si peu empressé, moi attribuant sa déception à mon être réel, en retrait sur le fantasme : “Venir en classe 3 pour ce croulant!” On passe deux heures à faire les idiots, […] et naturellement on ne commence à causer sérieusement que dans la bagnole! Vraiment marrante, sa peur d’être jetée, non : sa certitude! enfin, sa certitude proclamée. En rêve, elle me voit draguer je ne sais qui, s’en venge en slowant avec je ne sais quoi, à deux reprises, sans réaction de ma part! Sa peur de me dire “je t’aime” : en grande part peur que je ne l’aime plus. La paix s’éloigne? Est-ce la paix qui m’a rendu si terne la vie avec Chantal? Pourtant je n’aime jamais Hélène autant qu’abandonnée.

    C’est bien garrottant que la menace d’une lecture pèse sur ce journal. Je suis presque vrai avec elle, mais tout est dans la manière : sans remonter à Mathusalem, je lis ici un “grosses cuisses” qui, tombant dans son obsession banale de minceur, risque d’y faire du dégât. Mais le lui arracher, ce cahier, c’est proclamer : “on ne se dit pas tout”, alors qu’on pourrait presque en faire l’expérience. Et sans doute la souhaité-je obscurément; car j’ai plus peur de l’ennuyer que de la désoler.

 

 

[1] Un ami du papa, prof au lycée,  nul,  magouilleur,  franc-maçon,  immensément  fumier, et… peloteur de petites filles! 

 

[2] Un de ses ex amants ou flirts?), rejeton de richissime ministre concussionnaire.

 

[3] Détumescences prématurées et fiascos à répétition. Je m’époumonais à protester  que les défaillances physiques  ne signifiaient rien, ou renvoyaient à la terreur de la perdre…

 

[4] Légère exagération… non? 

 

[5]  Elle professait une véritable fascination  pour ce métier,  et  Belle de jour l’avait vivement touchée. Pas la seule, du reste…

 

[6] Troisième cyclone de la saison  (décembre-avril,  en comptant large) : ceux de l’Océan indien sont baptisés par ordre alphabétique, une année sur trois, par Madagascar, Maurice et la Réunion, les trois îles qui sont aux premières loges. En six ans, je n’en ai vu qu’un (Hollanda, l’année suivante) dévaster Maurice. Mais comme on n’est capable de prévoir ni leur trajectoire (ils ne reviennent ni de l’ouest ni du sud, mais tous les virages sont possibles, tant qu’ils évoluent encore à l’est ou au nord), ni leurs accélérations, ni leurs renforcements, leur approche est vécue dans une excitation délicieuse, surtout par les enfants des écoles, qui chôment dès l’alerte 2. En alerte 3, cesse le travail salarié, ferment les boutiques (en principe, car il s’avère juteux pour un chinois d’ordinaire peu fréquenté de laisser une petite porte ouverte aux imprévoyants), et la circulation est interdite, ou aux risques et périls de l’usager, car les assurances ne remboursent plus. Le plaisant, c’est que la violence des vents ne se conforme pas aux arrêtés : le cyclone menace officiellement, mais le temps n’est pas plus gris qu’en bien des jours sans histoires; et l’on déguste en gourmet ces heures anodines métamorphosées par un péril que seule atteste la radio.

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