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Noyau de nuit

[« Les mecs ne savent pas aimer »]

16 Septembre 2015 , Rédigé par Narcipat Publié dans #www.rancœurs.com (2003)

De Rancœurs (rancœurs@vidgamail.com) à Élyane (lllibellule@yahoo.fr)

Le 15 février 2000, 10h09

Objet : déçu

 

    Franchement, ne serais-tu pas agacée par un élève qui te dirait : « Pourquoi lire? Je regarde déjà la télé toute la journée! » Tu ne sais RIEN de ce qu'a pu m'apporter, sur le plan de la connaissance aussi bien que du bonheur, l'expérience de l'acide : à quoi ça ressemble, de décréter en toute ignorance de cause qu'elle est sans intérêt, et qu'en somme on voit aussi bien les hallucinations de l'extérieur, tout comme on connaîtrait un bouquin par sa couverture ou par le commentaire d’un critique idiot? On dirait que ton seul souci, c'est de tuer dans l'œuf et par tous les moyens une revendication de supériorité que l'"adversaire" n'a jamais formulée. « A mon avis, il est aussi ridicule »... mais ton avis ne saurait importer que si tu répondais aux arguments, et tu ne sembles même pas en prendre note. Et le malaise s’accentue à la phrase suivante, d'abord parce que TOUT essayer, c'est impossible, et que donc « n'est intéressant QUE » bloque tout. En somme c'est un poncif de préférer tel qui manifeste une certaine ouverture d'esprit, qui ne refuse ni l'opinion ni l'expérience qui se présente, à tel autre qui répond à tout par « veux pas l'savoir! »? En ce cas, je suis résolument poncif. Un pas plus profond dans le marais à la dernière de l'alinéa : cette "liste comparative", ces "tableaux de chasse", semblent être obsessionnels pour toi comme pour bien d'autres petites filles et petits garçons qui doutent d'eux-mêmes, mais pourquoi ravaler ainsi ce que tu ne connais pas? Ressentir du fort et/ou découvrir du neuf s'accompagnent souvent d'un amenuisement du désir de s'en parer, auquel il est "dérisoire", pour le coup, oh que oui, de les réduire en extériorité. Il n'y a parfois pas plus dans un voyage que les photos qu'on en montre aux copains, ou dans un livre que les doctes niaiseries qu'on en tirera pour frimer dans la conversation, ou dans un être, etc... mais tu as fait des voyages, lu des livres, éprouvé des amours, ou au moins un, dont la "liste comparative" n'était pas la finalité, je présume : pourquoi dénier cette possibilité aux autres, et les présumer purs frimeurs, sinon par orgueil? Faut-il te mettre en garde contre le syllogisme de l'obscurantisme : « Il a quelque chose qui me fait défaut. Or je suis ce qu'il y a de mieux. Donc ce quelque chose n'existe pas »? Je ne distingue pas d'autre ossature à tes considérations; mais dans ce cas, à quoi bon le dialogue, en effet? Ne voir que des nains autour de soi, c'est le meilleur moyen pour ne pas grandir...

    Bref, déçu. Je ne vois pas pourquoi tu prends la mouche pour lui faire subir les derniers outrages; pourquoi tu t’entêtes à tenir la contestation pour signe de mépris, quand elle est tout le contraire; pourquoi tu vas chercher de l’ironie là où elle est absente, et n’acceptes pas tout bonnement que tes courriels (pas le dernier!) soient pour moi une source de bonheur et d’excitation intellectuelle. Qu’est-ce que je n’aurais pas entendu si j’avais mis “les trois grâces” au lieu de Joseph Vissarionovitch et ses potes! Enfin, je ne vois pas ombre de raison à tant d’aigreur, à moins qu’à mon insu je n’aie touché à la hache… ce qui ne génère en moi que l’envie d’en empoigner le manche! Enfin, c’est tout de même un peu violent! Tu me traites de pourvoyeur potentiel du Goulag, et ne consens à voir, dans le comportement que je professe et préconise à l’égard d’autrui, et qui met tout mon être en jeu, qu’imposture : difficile, tu en conviendras, de m’annuler davantage, alors qu’il n’y a pas une preuve à l’appui de cette accusation. Or, que fais-je? Je remercie, je cogite, je me dis que peut-être, et te réponds dito. En retour, sur la base de ta prose, passim, je crois pouvoir risquer que ta perception des prétendues “sectes” est un peu “étriquée”. Note que tu accusais, et que pour une fois j’étais préposé à la défense. Or, que fais-tu? Tu t’enflammes absurdement, tripatouilles le grief (en ajoutant “coincée” et “frustrée”, qui n’ont que faire ici) et refuses tout réexamen du fond. Ma foi, tant pis. J’ai comme un soupçon que tu te fiches des sectes tout autant que moi, que la dénonciation plus générale de ton orgueil même ne t’a pas affectée à ce point, et que ce qui suppure encore après tant d’années, c’est d’avoir été quittée – comme si c’était une tare! En tant qu’amie, que sœur au moins dans la déréliction, ça me gêne de te lire enfiler toutes ces mauvaises raisons, la marmaille, ton ignorance des codes langagiers, l’avarice des mecs, et qu’ils « ne savent pas aimer »… Tout de bon, imagine Adjani avec trente gamins, ne sachant articuler que “ga ga bou”, imagines-tu qu’il manquerait de mecs pour “savoir l’aimer”? Est-ce que tu ne t’appliques pas à éluder l’essentiel, cet essentiel au fond dérisoire, mais hélas souverain pour les femmes comme pour les hommes, j’en sais quelque chose, moi qui n’ai jamais été “aimé” que de fillettes encore indifférentes aux canons de la beauté, ou de vieux tableaux qui s’évertuaient à faire de la passion avec le possible? Si je t’énerve à ce point, n’est-ce pas de te rappeler l’éventualité d’une vieillesse entre ton chien, ton chat, et tes poissons violets? S’il en était ainsi, car je n’affirme rien, ne vaudrait-il pas mieux le regarder en face? Je suis mille fois plus mal loti que toi, puisque les joies de la paternité me sont inconnues, et cependant je me refuse à écarter le miroir. Crois bien pourtant que le tendre à mes semblables ne me donne aucune jouissance maligne, et que je ne me venge pas d’une simple déception. C’est seulement que j’aurais tant aimé fonder UNE relation sur la sincérité mutuelle, inséparable du respect tel que je l’entends.  Si c’est impossible, je porterai ce deuil-là avec les autres. 

    Merci du fond du cœur pour “allitération”, qui se promène avec deux t dans mes corrigés depuis quinze ans. Mais ch’est un chcandale que cha ne ch’écrive pas comme littéral et littérature, l’origine étant identique. Des coups pareils me font prendre en grippe l’orthographe française.

 

D’Élyane (lllibellule@yahoo.fr) à Rancœurs (rancœurs@vidgamail.com)

Le 16 février 2000, 23h02

Objet : Farewell

 

    Mais oui, je suis un boudin, un cageot, un thon, un monstre, et si tu t’imagines me surprendre, il va falloir en rabattre : la muflerie des mecs est une vieille connaissance, et depuis le temps j’ai un blindage à l’épreuve. Voilà trente ans que vous vous vengez des débordements du féminisme, et chacun d’entre vous, pour comble, s’imagine être original! Je t’ai envoyé une photo parce que tu la DEMANDAIS, point barre : si tu as cru que je me mettais en vitrine, comme dans un bordel d’Amsterdam, tu es vraiment très très loin de cette “vérité” qui n’a pour toi de charmes que lorsqu’elle est désagréable. Franchement, avec la crainte qui m’habite des chieurs et des despotes, je ne serais pas allé faire du gringue au pire d’entre eux! Suppose que tu m’aieueus envoyé ta photo, et que j’ayeueu découvert une guele aussi peu attrayante que tu l’évoques toi-même, crois-tu que je t’aurais répondu : « Bou! Qu’il est moche! » au nom d’une “sincérité” dont tu admetrtras toi-même, si tu n’es pas totalement dépourvu de cohérence, qu’elle est complètement inutile? Le type qui me traite de laideron, je lui réponds qu’il est con, et avec raison, car d’abord il n’exprime qu’une opinion discutable, et surtout il s’en prend à ce qu’on ne peut pas corriger. Qu’est-ce que tu me conseilles? Un lifting? La fontaine de Jouvence? Oh que non! Mais de prendre conscience que mon cas est désespéré! Ça me fera une belle jambe! Donc, j’étais déjà bête, impérieuse, me voilà à présent une tête à faire peur, encore heureux que ce sne soit pas une photo en bikini, il ne me manque plus que d’être mal bâtie! Et bien, apprends que si nous ne rivalisons pas avec Adjani (que je ne trouve pas si épatante que ça, chacun ses goûts) il y a quand même un marché pour ce genre d’animaux, que des copines qui ne sont pas mieux que moi se débrouillent très bien, et que l’ignorance des codes, le goût de l’indépendance, deux mômes à élever, constituent un handicap supplémentaire. Que les meczs NE SAVENT PAS AIMER, et qu’à ton insu tu en administres une preuve de plus, toi qui réduis l’amour à un flash pour un visage ou une paire de fesses.  Des “amours” comme ça, j’en collectionne à la douzaine en quelques mètres dans les rues de Paris, ce sont des gamineries qui n’ont rien à voir avec ce que qu’un ADULTE nomme ainsi. Que ton évolution affective se soit arrêtée à quatorze ans c’est ton problème, ce ne serait que ridicule, si tu n’étais pas un méchant gamin qui trouve son plaisir à empoisonner les autres. Ma vie est assez compliquée déjà pour que j’en éprouve, moi, à servir de plastron à ton défoulement, alors que je ne suis pour rien dans tes déboires. Je ne sais pas ce que t’a apporté l’expérience du L.S.D., mais je vois ce que tu es resté ou devenu au bout de toutes tes “expériences”, et aucune d’entre elles ne m’inspire la moindre curiosité, car devenir comme toi n’est en aucun cas un idéal. Je te laisse le soin de réduire le boudin en chair à pâté, je ne doute pas que tu n’y parviennes très facilement, et je me contente de te prévenir, comme je m’y étais engagée, que ce mail est le dernier que tu recevras de moi. Inutile de repréciser pourquoi, tout le monde a tort, et toi seul as raison.

    Que te souhaiter de positif? Quelqu’une à larder de coups de poignard? Je n’ai pas le droit de souhaiter ainsi du mal à une inconnue.

    Elyane

 

De Rancœurs (rancœurs@vidgamail.com) à Élyane (lllibellule@yahoo.fr)

Le 17 février 2000, 6h41

Objet : courte, mais belle!

 

    Je t’ai dit, et je répète, qu’on ne voit rien sur cette photo, et voilà qui devrait suffire à répondre à ton délire. Ou elle m’est parvenue dégradée, ou tu as déjà dans les yeux, quand tu la regardes, ce que tu sais qu’elle représente. Maintenant, à supposer que vous soyez affreuses, toutes les trois, est-ce que ça m’aurait arrêté? Oui, je crois, au moins dans un premier temps, car comme tu l’écris, ça ne sert à rien de dénoncer ce qui ne peut se corriger. Je ne m’en prenais qu’à un discours qui me semblait être celui de la mauvaise foi, et n’imaginais pas un instant que tu estimasses t’être “mise en vitrine” – pour qui, grand Dieu? Enfin, j’avais le tort de t’admonester comme si je me fusse adressé à moi-même : « Cesse de rêver, bonhomme! Fais avec le réel! » l’espoir faisant mal d’être toujours déçu, et la solitude consentie – surtout en compagnie d’êtres chers – ne m’apparaissant ni comme une tare ni comme un tel malheur. Je n’ai pas touché juste, cette fois, car tu as inventé le coup, sur la base, je suppose, de mécomptes antérieurs. Prière donc de n’alimenter pas ton désespoir avec mon jugement, car je n’ai aucune idée nette d’à quoi tu ressembles physiquement. Ta parano, en revanche, nul besoin d’imagination pour en compléter le portrait, et elle trace les limites de la leçon du jour : je te remercie d’avoir sculpté la croix de ma tombe avant de partir pour de nouvelles aventures, mais comment l’accepter telle quelle, puisque je ne découvre rien de neuf dans ta diatribe, que tu te TROMPES, et que j’aurais bien du mal à me persuader que tu sois représentative? Oui, vous êtes nombreux, oui, vous valez par votre masse, et même il y aurait de quoi réfléchir, si vous étiez tous fous de même folie; mais il s’en faut, et ce motif de rupture étant absolument inédit, il faut bien chercher la cause ailleurs… Je vais persister à m’y employer, mais tout seul, car je doute que ce thème t’intéresse beaucoup. À ta disposition néanmoins, même en 2010, si la raison fait ou refait surface.

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