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Noyau de nuit

[Échange vinaigré]

16 Septembre 2015 , Rédigé par Narcipat Publié dans #www.rancœurs.com (2003)

De Rancœurs (rancœurs@vidgamail.com) à Lenina (caninakhan@phemail.com)

Le 14 février 2000, 11h12

Objet : Père Spicace et Père Plexe

 

    Si encore tu me proposais une correspondance sine die, je pourrais me résigner à la perspective de ne jamais associer le toucher à la vue, de n’apprécier que par l’imagination le satiné et l’élasticité. Mais on dirait bien que neuf courriels constituent la borne ultime, et qu’une fois pressée l’orange… de quoi s’interroger doublement sur son jus, sur tes motivations, et, s’il faut tout dire, sur ton identité! Ces deux photos ont été prises lors de la même séance de décarpillage, tu peux les avoir glanées dans un site de cul, comme tu m’incites à le soupçonner, et n’être toi-même non pas ce phénix, un mannequin plein de verve et de sagacité, mais un vieux chameau, voire carrément un gros vilain mec – auquel je m’appliquerais à mêmement répondre, si seulement je distinguais où il veut en venir! Admets-le, tout est possible, et il serait naïf de t’accorder la confiance que tu me refuses : tant que tu ne m’auras pas précisé tes coordonnées, il m’est loisible de suspecter une provoc en provenance de quelque vindicatif parmi ceux que j’ai malmenés, d’un justicier, ou… de la Justice! Tu es très fine, ma petite souris, ou toi, qui que tu sois, qui te musses derrière ce masque de Mickey, mais quand je lis : « si tu as volé, c’est des livres à la bibli du lycée », comment ne pas se demander  si tu n’essaies pas, c’est humain, de mettre au compte de ta pénétration les infos d’un indic, si tes sources ne seraient pas TRES proches de l’enquête? J’ai oublié, c’est exact, de rendre quelques livres au lycée de Rivière-Pilote, et il s’est trouvé un gendarme pour remarquer cette bagatelle, la signaler au juge d’instruction – lequel bien entendu l’a saluée d’un haussement d’épaules. Il serait goûteux que la belle Lenina ne fît qu’un avec ce pandore, qui n’était pas mon genre. Si c’est le cas, je te prédis un avancement rapide, ou la lourde. Cela dit, je n’y crois pas un instant : tu es assez épastrouillante pour te dispenser de receler… plus épastrouillant encore? Ça se discute : je ne suis pas grand clerc en femmes, comme tu sais; mais il me paraît terriblement peu féminin d’afficher une telle confiance en ses appas : assurément ils la méritent, mais « seins en poire, généralement appréciés », ça pue le mâle, qui, lui, étant l’appréciateur, n’a pas à craindre le démenti… Bref, je ne sais pas, mais ça sonne faux, ça me trouble l’oreille, et tu admettras que ce soit la moindre des exigences, de savoir à qui j’ai affaire avant de déballer du délictueux.

    Pour que je te rencontre, il faudrait que tu me rencontres aussi, et à moins que tu ne sois aveugle, la peur contrebalance l’appétit. J’abhorre le téléphone, et tu n’aurais guère à craindre en me livrant ton numéro; une adresse postale me suffirait… ou, tout simplement, une photo fraîche, sans degré d’effeuillage supplémentaire, puisque je ne l’ai pas mérité : juste ta chère frimousse, avec L’Huma du jour! ou quelque autre… Pas la lune, comme tu vois, tu peux toujours être au service de Fraisempif. Simplement m’assurer que tu n’es pas Fraisempif soi-même. Et, ma foi, si tu pouvais joindre tes vrais mobiles au paquet-cadeau, il ne me resterait plus à désirer que l’inaccessible.

    Bisous passionnés, si…

    L’homme sans masque

 

De Rancœurs (rancœurs@vidgamail.com) à Élyane (lllibellule@yahoo.fr)

Le 14 février 2000, 22h09

Objet : à lire avec des lunettes roses

 

    Le diagnostic de souffrance personnelle, chère Élyane, est à examiner de très près : d'abord, je voudrais être certain que ta chronologie soit bien affinée : quand on se tourne vers une “secte” (aussi bien que vers la psychanalyse, d'ailleurs, presque aussi discréditée, à l’heure qu’il est, que la scientologie) c'est que la souffrance, la carence, était là préalablement : ne noter que celle qui subsiste, ce n'est pas équitable. Secundo, QUI l'évalue, cette "souffrance"? L'obésité n'est une tare qu'au sein d'un certain système de valeurs, que l'intéressée conteste probablement; la réussite professionnelle n'est la clef du bonheur que pour un esprit peu exigeant. Tertio et surtout, ces échecs, ces "catastrophes sentimentales" résultent probablement pour la plupart de la réaction de rejet des proches, dont l'observateur impartial, encore une fois, n'a aucune raison de privilégier la version. Je trouve assez savoureux que pour toi, se faire larguer par son mec soit une condamnation sans appel! Désolé, je ne vois pas pourquoi j'entérinerais a priori le point de vue d'un quelconque connard poilu, simplement parce qu'il a beaucoup de petits camarades pour bêler les mêmes "évidences" que lui : qu'il ne comprenne rien aux préoccupations de sa nana n'atteste nullement qu'il n'y a rien à comprendre, et quand je lis « son mari est parti » en guise de clausule-massue, je ne peux pas m'empêcher, chère lointaine, de vous trouver quelque peu... étriquée. De toute façon, sectes ou pas, les mecs qui vers la cinquantaine ne se mettent pas en quête d'un modèle plus récent sont ceux qui ne peuvent pas se l’offrir, et il n'est pas impossible qu'y regarder de près nous impose, dans ce cas précis, d'inverser l'ordre cause-effet. Quant aux sataniques colombiens, je m'astreins très fort à ne pas rigoler, mais on lit encore là en filigrane un refus catégorique et sans véritable examen de substances que tu sembles fourrer à la beauf dans le gros sac des "drogues" sans les avoir personnellement approchées : me trompé-je? Les champis ne m'ont jamais sérieusement allumé, mais je considère comme carrément obscurantiste de se refuser l'expérience d'un trip de L.S.D. Sans nier le risque de folie, mais celui de périr enroulé autour d'un platane quand on prend sa petite auto pour aller à la plage n'est pas non plus inexistant, et il y a plus à découvrir dans l'acide que dans se bronzer le cul... Bref, je ne voudrais pas commettre un délit de lèse-écoute, ni te dissuader d'alimenter ma vacance avec ton réel (car c’est bien mézigue qui sur ce sujet barbote dans l’a priori) mais je crois que tu regardes tous ces êtres en faisant abstraction de l'insatisfaction et du désir de transcendance qui donne sens à leurs actes et à leur effort de foi. Financièrement exploités? Pas toujours, mais admettons : je m'en tape. Ce n'est pas chez le grand prêtre collectionneur de Rolls en or et de pétasses bien roulées que je vais aller chercher la vérité d'une croyance dissidente, pas plus qu'un leader ne me livrera le tuf du désir de révolution, ou une salope calculatrice et menteuse la clef d'un grand amour : d'accord, elle mène le pauvre niais par le bout du nez; mais ce qui importe, c'est que ce qu'il ressent, lui (tu peux changer les genres) soit vaste, beau, grand, fasse que la vie vaille d'être vécue; la vérité de mai 68, ce n'est pas la vieillesse d'un Geismar ou d'un July, mais « les mains soudées par les combats », et l'espoir plus ou moins sincère que nous avions au cœur « que tout aill' mieux plus tard, qu'on soit meilleurs là-bas ». Mon éloge des poires n'est pas inconditionnel, évidemment. Mais tu vois bien toi-même que « le pigeon est quelqu'un d'intelligent », et ce qui suit le "mais" ne me convainc pas : c'est précisément son ouverture d'esprit, et l'incapacité à se satisfaire d'un monde à la Flaubert-Renard-Maupassant-Zola, où l'homme serait une espèce animale comme les autres, qui le rend perméable. Qu'il perde « tout ce qu'il avait construit autour de lui », qu'importe au fond, si tout cela ne lui procurait pas le bonheur? Quant à « tous ses neurones », si tu ne disposes que du conformisme comme preuve de leur vigueur, repasse quand je serai mieux luné! Après tout, n’est-ce pas m’agresser par la bande que de réputer crétins tous les mal insérés?

    Bon, la question, comme il fallait s'y attendre, n'est qu'à peine effleurée, et l'interlocutrice... tout juste égratignée? Comme j’ai commencé cette fois par la gougoutte d’acide nullement hallu, celui-là, j’ai une ou deux heures pour me rattraper avant d’aller au boulot. Peut-être en finir tout de suite avec cette question des fôtes, la plus dérisoire qui soit à mes yeux, histoire de ne pas la retrouver en P.S. Je ne les souligne en rouge que quand je suis payé pour le faire, ou qu’on a le culot de me corriger, ou que (cas présent) l’on me le demande. Le reste du temps, il m’arrive de rectifier en loucedé, par le réemploi des mots : “neurones” au masculin, par exemple, ou “professionnel”, et si j’ai un minime reproche à te faire, c’est celui de ne tenir nul compte de ces corrections sournoises, de n’aller pas au dictionnaire, et de me resservir “proffessionel” inchangé. Cette fois, rien de grave à ma souvenance, mais voyons voir… “Je t’en saurais gré” (et non serais); “tranfère”, simple faute de frappe; le “proffessionel” cité plus haut, et qui doit faire mauvais effet dans une correspondance administrative; “profié”, frappe; “conotations”, manque un n; “débarasser”, un r; du reste, tu as du mal avec les consonnes redoublées, moi zaussi; “apparement” : un m; attention aussi aux subjonctifs d’être, voir, avoir (mais tu es en bonne compagnie : même les correcteurs d’éditions les ont oubliés) : “un langage qui n’ait” (non qui n’aie); “luronne” est OK, mais il manque un r à “laronne”; à “frissonerais”, un n; “proffessionel” bis (mais “bouddhiste” est bon, alors que j’ai besoin de le vérifier périodiquement). Négligeons “Templier” (adjectif, donc minuscule), ne revenons pas sur “neurones”, je ne vois plus qu’”aggressivité”, qui cette fois comporte un g de trop. Voilà, c’est tout et c’est peu. Dix minutes de turbin au tarif syndical, payables en révélations sur mes ignorées ignominies – et lacunes! Car moi, cas inverse du tien, et non moins classique, je n’ai bossé que jusqu’au Bac; de sorte que je n’ai guère que l’orthographe dans mes valises.

    Même pas une ombre au tableau, toujours accroché à la place d’honneur. S’agissant de l’enseignement, ce sont des risques très réels que tu dénonces, et qui méritent d’être longuement médités. Pas de littérature du tout me paraîtrait valoir mieux, c’est vrai, que ces lectures insignifiantes et détraquées, avec leur prétention à la Science; mais bien entendu l’idée de traduire en prose apoétique Rimbaud ou Mallarmé me fait frémir comme toi, et je vois bien, dans le “bon sens” que je préconise, le cheveu de la subjectivité, qui fragilise le tout. J’aurai beau édicter mille articles de loi, j’en reviendrai toujours à définir comme “correct” le commentaire que j’avalise intuitivement, et pipeau celui des autres. Mais ne pourrait-on au moins s’entendre sur cette plateforme : le sens littéral d’abord? Visa incontournable pour l’accès aux délires… Je donne la semaine dernière un texte de Montherlant sur la chambre crasseuse de M. Élie de Coëtquidan : l’ennui, c’est que l’auteur l’appelle tantôt Élie, tantôt de Coëtquidan, de sorte que lorsque je demande de tirer des conclusions sur son caractère, la moitié de mes poulains se lancent dans des distinctions médiocrement subtiles entre les deux personnages… Et que n’a-t-on pas vu en ce genre! d’autrement grave, conviens-en, que de louper une allittération.

    Cela dit, l’esbroufe et le consensus ne sont pas sans m’impressionner aussi, et je la boucle aussi hermétiquement que toi lors d’une réunion, qu’elle soit syndicale ou pédago, dès qu’il y a plus de cinq ou six présents. Mais je n’irais pas faire de ça une preuve d’humilité! Ça établirait plutôt que nous sommes l’un et l’autre trop orgueilleux pour accepter le risque de l’erreur, de l’affirmation provisoire, que d’autres rectifieront. C’est parce qu’on veut avoir toujours raison qu’on se tait quand on n’est pas sûr de s’imposer. Moi je le sais, et je me soigne; que le traitement soit efficace, ça se discute! Mais sans prise de conscience, on ne l’entreprend même pas. Je ne veux pas forcer tes confidences, mais on ne te l’a jamais dit? N’as-tu jamais eu, par exemple, de querelles domestiques avec des mecs qui te taxaient d’autoritarisme? Tes filles estiment-elles qu’une chance est laissée à leur pensée? Note bien que ce n’est pas une récrimination que j’essaie de placer là : tes lettres sont un enchantement, tu me réponds, et ça suppose une écoute; mais je doute un peu qu’il t’arrive souvent de changer d’avis… et me demande si la “vérité plurielle” n’est pas faite avant tout pour éviter ça, bien que, sans ironie aucune, je ne voie rien à répliquer aux exemples que tu donnes, dont je mesure la force. Note quand même que ta copine se ralliera tout naturellement à ta version quand son mec la larguera pour une moins servile… Pour ce qui me concerne, je ne récuse pas ce portrait de l’artiste en aspirant à la dictature; et l’on peut se demander, si mal qu’on soit, si désirer changer, devenir un autre, forme vraiment sens. Quand je te supplie de me révéler mes tares, c’est plus pour me protéger, peut-être, que m’en délivrer, et avec la conviction de pouvoir répondre à tout, donc exercer une domination sur les âmes. Tu vas fort quand tu vas jusqu’à redouter entre mes mains un pouvoir sur les corps, mais ce péril même n’est pas à écarter sans examen, tant m’irritent ceux qui refusent d’écouter, et pontifient à côté de la plaque. N’empêche que ni la volonté de puissance, ni même l’illusion de supériorité ne me paraissent condamnées de naissance, dès lors qu’elles maintiennent l’écoute et ne dérapent pas dans la divagation. Mettons que nous essayions de nous dominer l’un l’autre : si c’est pas des moyens corrects, sans triturer le réel, en essayant de persuader l’autre, et non de le faire taire, nous ne pouvons tous deux qu’y gagner. En tout cas, moi, même si la liste précise des modifications est ardue à dresser, je te garantis que dès à présent tu ne me laisserais pas comme tu m’as trouvé.

    Oui, Marjo est venue hier… avec le chien de Dominique, un corniaud joueur et affectueux qu’elle aurait bien voulu me laisser, et avait apporté pour m’attendrir, ce qui n’a pas loupé, mais quoi? Quand elle a embrassé mon grenier du regard, elle-même n’a plus trouvé la force d’insister. Un chat, à la rigueur, mais un pauvre toutou dépendant de moi pour sa crocrotte, quelle entrave! Et puis, je trouverais humiliant de signer en somme que j’en suis réduit à ce genre d’affection, il y a une image de vieille-fille-aux-minets qui fait office de repoussoir. Pourquoi moi? voilà ce que je ne comprenais pas, et n’ai pu apprendre, peut-être parce que la question est sans objet, et que Marjo faisait simplement le tour des gogos éventuels : je me suis engagé à en parler à mes connaissances, et voilà qui est fait : si une de tes filles avait envie d’un petit chien pie gentil comme tout, je me ferais un devoir et un plaisir de vous le livrer à domicile : peux pas mieux dire! Bien que l’idée qu’on va le passer à la casserole (les parents de Marjorie refusent de le garder, et la mère de Dominique a quitté Pignols) ne me laisse pas en paix.

    Je m’étais promis de la faire parler, j’avais même repassé quelques répliques dans ce sens, mais son compagnon m’a pris sans vert, et je n’ai pas réussi à bifurquer. D’ailleurs, je crois qu’elle ne sait rien, et tu admettras que ce n’est pas à moi d’évoquer le premier l’hypothèse hautement improbable que tu m’assenais deux courriels plus haut… Banal! La vie consent rarement à conclure, et quand elle le fait, c’est bien des ans plus tard, quand on est installé depuis longtemps dans l’indifférence.

    Je te remercie de ces taches de confiture que ta copine appelle “photo”. Je pourrais te dire que vous êtes charmantes là-dessus, mais ce serait ouvrir les yeux du cœur ou user du langage de l’hypocrisie, car on ne voit pour ainsi dire rien, que de vagues vêtements d’hiver, et une légende “Staline, Beria et Malenkov sur la Place rouge” ne choquerait pas trop. Ironie déplacée, puisque faute comme toi d’outillage, mais de surcroît, de copains, je suis hors d’état de te rendre la politesse. Il va de soi qu’il suffirait que tu le demandasses et me confiasses ton adresse postale pour que je fisse un tour au photomaton; mais je puis t’assurer en attendant que tu ne perds pas grand’chose.

    En vous priant de bien vouloir agréer l’expression de ma plus vive sympathie,

       Gilles

 

D’Élyane (lllibellule@yahoo.fr) à Rancœurs (rancœurs@vidgamail.com)

Le 15 février 2000, 23h02

Objet : Mes lunettes sont cassées

 

    En venant bavarder avec toi, après avoir lu ton journal, je ne m'attendais pas à recevoir des fleurs. Etriquée, beauf, orgueilleuse, coincée, frustrée... n'en jetez plus!  mais répondre que je t'emmerde serait un peu court aussi. D'ailleurs, je te donne le bâton... Comme tu t'en doutes - ça ne collerait pas avec mon système de valeurs si conformiste - je ne suis pas maso, et je mentirais en disant que ta lettre me fait plaisir. L'ironie, elle, n'avance pas masquée. Note que, pour Michèle, j'ai bien précisé « Voici son explication », la vérifier ne m'intéresse pas. Alcool et tabac me pourrissent déjà la vie et je suis bien trop excessive en tout pour risquer autre chose. Franchement, champignons, L.S.D., qu'est-ce que ça peut faire? Ses hallucinations j'en ai été témoin, c'est une donnée objective, le reste...? Mais figure-toi que je ne suis pas plus surprise de tes réactions que toi des miennes. A mon avis, il est aussi ridicule de se positionner en "avocat " attitré "du diable" qu'en cul-bénit. Trouver que quelqu'un n'est intéressant que parce qu'il a TOUT essayé, autre poncif; dresser la liste comparative de ses expériences comme autant de trophées à son tableau de chasse, plutôt dérisoire. 

    Il est si évident que je ne peux pas faire du “départ de l’homme” un test d’invalidité que me prêter cette analyse stupide ne peut relever que de la polémique, non de la quête du vrai dont tu te targues. Mais il serait tout aussi imbécile de considérer qu’on a fait un bon choix de vie parce qu’on a fait le vide autour de soi. Tu ne me verras jamais me rengorger de mon inadaptation, qui est bien réelle pourtant : il m’est impossible de respecter sans examen les valeurs les plus prônées (faut-il 2 n? Je n’ai pas le temps de vérifier), et je me perds dans les codes de civilité qui devraient relever de l’évidence : la plupart de mes amies me considèrent comme tombée de Mars, avec une espèce d’indulgence amusée – et aucune ne m’a jamais tenue pour impérieuse ou autoritaire. Je suis incapable de donner un ordre, et quant à imposer à quiconque ma vision du monde, je ne crois pas y songer un jour. Que je la protège par le silence, c’est possible, mais ce n’est certes pas à toi, qui conçois le “dialogue” comme un échange de coups de boutoir, de me taxer d’autoritarisme! Mon mec est parti comme bien d’autres, et comme tu l’exprimes si élégamment, vivre avec “un modèle plus récent”, qui du reste a fini, pour ne pas sortir du classique, par le larguer lui-même pour un “modèle” plus luxueux. J’ai été assez conne pour souffrir beaucoup et longtemps, à la mesure de mon investissement d’oie blanche sur un “connard poilu” (pas tellement, je n’aime pas la fourrure, je peux?) qui ne méritait pas la corde, mais encore moins qu’on se pende de l’avoir perdu, non pas qu’il soit laid ou bête (pour moi ce n’est pas un concours) mais parce que, comme la plupart d’entre VOUS, il ne savait pas aimer. Depuis plus de dix ans, je n’ai guère eu, ni désiré, l’occasion de faire fuir les hommes en prétendant leur imposer mes convictions ou mon mode de vie. Quelques aventures de vacances, courtes et discrètes, pour ne pas mourir idiote, la plupart combinées par des amies. Aucun désir de poursuivre en septembre, comme je te l’ai dit, de casser ma complicité avec mes filles en introduisant entre nous un lourdaud qui se serait cru des droits sur elles – ou sur moi! D’ailleurs, je n’ai pas eu à repousser des escouades d’avances : deux gosses effraient l’avarice, et je parle mal le langage de la drague. Mais s’il y a une chose dont je suis sûre, c’est que je tiens trop à ma liberté pour ne pas respecter celle d’autrui, que j’aurais refusé le rôle de torchon pendu dans la cuisine, mais en aucun cas adopté celui de dragon. Quant à mes filles, au cas où je ne « laisserais pas sa chance à leur pensée », je leur dirai de t’envoyer leurs doléances.

    Désolée de ne pas changer d’avis. Mais j’attendrai de meilleurs arguments. Pour le moment, je ne suis sensible qu’à la prévention, et au besoin tordu d’assimiler ma résistance à l’oppression.

    Pour le chien, désolée de ne pouvoir l’accueillir dans notre arche : la maison abrite déjà un briard un peu fou, une chatte très indépendante, et quelques poissons rouges et bleus. J’ai catégoriquement refusé un petit singe il y a six mois, de par mon puvoir dictatorial!

    Recevez nos salutations socialistes,

        Staline, Beria ou Malenkov

PS. Merci pour les fautes, de frappe pour la plupart, mais pas toutes! “Savoir gré” est une révélation, malheureusement tardive. En retour, je te signale qu’”allitération” ne prend qu’un t dans mon édition du Robert.

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